Par Sœur Florence Soe, Myanmar (Province d’Asie de l’Est)
Depuis 2021, les luttes au Myanmar sont de plus en plus terribles et douloureuses. Les troubles politiques déchirent la nation et les affrontements incessants entre l’armée et les groupes de résistance armés mettent constamment la vie de chacun en danger. La violence contre les femmes n’est pas seulement tolérée, elle est largement acceptée comme faisant partie de la culture.
Le système judiciaire protège souvent les auteurs plutôt que de les tenir responsables. Cette acceptation de la violence sexiste crée une culture de stigmatisation et de honte pour les survivantes et leurs enfants. Les femmes signalent rarement les incidents de violence ou de viol, car les autorités locales rejettent ces cas comme des «affaires familiales » plutôt que des problèmes graves. En conséquence, l’accès à la justice et aux services sociaux est douloureusement limité.
La Good Shepherd Myanmar Foundation
(GSMF) travaille en partenariat avec des organisations de la société civile et des organisations confessionnelles, notamment des moines bouddhistes, pour fournir une assistance aux femmes et aux enfants maltraités. Notre programme de lutte contre la violence basée sur le genre comprend deux volets principaux : un Refuge et un Service de proximité pour les femmes qui ont été victimes de différentes formes de violence.
Notre Refuge accueille actuellement environ 15 femmes et leurs enfants, tandis que notre service de proximité s’étend à près de 75 femmes supplémentaires chaque année victimes de violence basée sur le genre.
Toutes nos activités sont menées selon les principes directeurs de la prise en charge de la violence basée sur le genre : sécurité, respect, confidentialité, non-discrimination et droit à recevoir des services de qualité. Personne n’est laissé pour compte, quelle que soit sa religion ou son origine ethnique..
Ici, les besoins et les forces de chaque participante sont au cœur de nos préoccupations, et nous leur donnons les moyens de vivre une vie sans violence. L’une d’elles, au Refuge, a partagé ses sentiments en disant : «Je suis reconnaissante à Dieu de m’avoir amenée dans ce Refuge. Sans cet endroit, les femmes comme moi n’auraient nulle part où aller. Ici, j’ai trouvé un endroit sûr lorsque j’avais perdu la force d’affronter la vie – ou n’importe qui».
Une autre jeune femme en larmes a partagé le jour de son anniversaire : «Aujourd’hui, mon rêve est devenu réalité. Quand j’étais à la maison, j’ai toujours souhaité pouvoir fêter mon anniversaire au moins une fois dans ma vie. »
Nous proposons une gamme de services essentiels : hébergement sûr, repas et nutrition, kits de dignité, soutien à l’accouchement, soins médicaux, création de petites entreprises, séances de préparation à la vie quotidienne, animation de groupe, soutien psychosocial et orientation vers d’autres services spécialisés.
Nous organisons des séances de conseil pour celles qui ont besoin d’une assistance supplémentaire, pendant que les enfants reçoivent une éducation informelle pour améliorer leur croissance. Les femmes participent également à des cours hebdomadaires sur la préparation de plats locaux, qui peuvent servir de base aux micro-entreprises à leur retour chez elles et les aider à devenir financièrement indépendantes.
Cette année, nous avons organisé une séance de partage d’expériences de vie pour celles qui ont reçu un soutien aux petites entreprises. Les principales intervenantes étaient des femmes qui avaient déjà bénéficié du programme, et entendre leurs histoires de vie nous a profondément émues. Leurs expériences ont offert un aperçu puissant de l’incroyable résilience intérieure dont elles font preuve, quel que soit leur parcours. Nous avons été inspirées par leur créativité et leur force, qui nous ont montré comment l’esprit humain peut surmonter les défis et continuer à avancer.
Elles ont partagé comment leurs entreprises ont évolué depuis la création initiale jusqu’à ce qu’elles soient là où elles en sont aujourd’hui. Beaucoup ont commencé avec un seul produit, mais ont rapidement identifié d’autres articles à vendre, ce qui leur a permis de se développer davantage. Certaines participantes se sont même lancées dans deux ou trois types d’activités, déterminées à tirer le meilleur parti du soutien financier qu’elles ont reçu et à éviter de retourner à leur ancienne vie.
Elles ont encouragé d’autres femmes à ne pas abandonner, mais à réfléchir à ce qu’elles pourraient faire ou vendre au sein de leurs communautés et à agir plutôt que de se sentir coincées dans leurs difficultés en raison de la forte inflation dans le pays.
La mise en œuvre de notre plan de travail, dans ce pays déchiré par la guerre, est devenue un défi important en ces temps difficiles. Rencontrer les participants au programme et effectuer des suivis est plus complexe que jamais, car les problèmes de sécurité ont modifié les modalités et le lieu de nos rencontres
Quelle que soit la complexité des défis pour nos sœurs et partenaires de mission, nous ne nous décourageons jamais dans notre mission d’autonomisation des femmes. Nous nous réunissons chaque semaine pour partager nos préoccupations et collaborer sur les meilleures façons de servir les personnes dans le besoin.
Depuis notre arrivée dans le pays en 1866, nous avons été guidés par les paroles de Sainte Marie Euphrasie : «Vous devez vivre d’amour. La peur n’est pas faite pour vous. Ce n’est pas de cette manière que le Bon Pasteur veut être servi“.
Alors que nos 47 sœurs et nos nombreux partenaires de mission célèbrent 158 ans de notre présence ici, nous restons concentrés sur la lutte contre les systèmes injustes qui perpétuent la souffrance des personnes opprimées, marginalisées et vulnérables, et nous sommes déterminés à apporter l’espoir, la dignité et un changement durable à ceux et celles qui en ont le plus besoin.
