Par Joanna Kozakiewicz, Global Sisters Report

Sœur Marie Claude Naddaf est membre de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur et coordinatrice régionale de Wells of Hope au Moyen-Orient.

Elle est connue internationalement pour son travail contre la Traite des êtres humains et a récemment reçu le “Human Dignity Award” (Prix de la dignité humaine) pour l’ensemble de sa carrière, lors de la cérémonie de remise des 2024 Sisters Anti-Trafficking Awards qui s’est tenue à Rome en mai 2024. La cérémonie a été organisée par Arise, l’Union internationale des supérieures générales (UISG) et la Fondation Conrad N. Hilton. (La Fondation Conrad N. Hilton est l’un des principaux bailleurs de fonds de Global Sisters Report.)

Sr M.C. Naddaf vit actuellement au cœur de la crise au Liban. « Nous sommes dans une situation de tension et de tristesse… avec des coupures de courant et sans moyens de communication », a-t-elle déclaré à Global Sisters Report dans un échange de courriels.

« L’exode de la population du sud du pays vers Beyrouth, augmente l'exploitation et la Traite à tous les niveaux », a-t-elle ajouté.

Malgré un accès limité à Internet, Sr M. C. Naddaf a réussi à s'entretenir avec GSR.

GSR: Vous êtes l'une des trois lauréates des Sisters Anti-Trafficking Awards, lauréate du Human Dignity Award pour l'ensemble de votre carrière. Que ressentez-vous en recevant ce prix ?

NaddafRecevoir le Human Dignity Award pour l'ensemble de sa carrière est une expérience incroyablement émouvante. Ce n'est pas seulement une reconnaissance des efforts personnels, mais un témoignage du travail collectif de nombreuses personnes et organisations dévouées qui luttent contre la Traite des êtres humains.

Ce prix renforce l'importance de ma mission et m'inspire à toujours défendre les droits et la dignité de tous les individus. Dans l'ensemble, c’était un moment de reconnaissance et de motivation pour aller de l'avant dans la lutte pour la justice et les droits de l'homme. J'étais tellement émue que je ne comprenais pas trop ce qui se passait autour de moi.

Pouvez-vous nous parler de la cérémonie de remise des Sisters Anti-Trafficking Awards à Rome et de son déroulement ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

La cérémonie à Rome a été vraiment mémorable. Au moment du rassemblement, on sentait vraiment la solidarité entre ceux et celles qui se sont engagés à lutter contre la Traite des êtres humains. Les moments clés : des discours forts de survivants, soulignant la résilience des personnes qui ont enduré des épreuves inimaginables. Leurs histoires ont servi de rappels poignants de la raison pour laquelle notre travail est crucial.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est le soutien massif de divers secteurs – militants, décideurs politiques et dirigeants communautaires – qui se sont réunis pour partager idées et stratégies. L’atmosphère était celle de l’unité et de la détermination, soulignant que même si des progrès ont été réalisés, il reste encore beaucoup à faire. La cérémonie s’est terminée par un engagement à poursuivre la lutte contre la Traite, renforçant le fait que ce prix n’est pas seulement un honneur mais un appel à l’action pour nous tous.

Vous faites également partie de Talitha Kum, le Réseau International de la vie consacrée contre la Traite des êtres humains. Comment êtes-vous impliquée dans le réseau ?

Mon engagement auprès du Réseau international de la vie consacrée contre la Traite des êtres humains implique une collaboration avec diverses organisations et parties prenantes pour partager ressources, stratégies et données afin de lutter efficacement contre la Traite des êtres humains. Nous nous concentrons sur la sensibilisation, le plaidoyer et le soutien aux survivants.

Comment votre travail a-t-il été affecté par la guerre au Liban ? Que souhaitez-vous dire à propos de cette situation ?

La guerre en cours au Liban a un impact significatif sur notre travail. Le conflit exacerbe les vulnérabilités, augmentant le risque de Traite des êtres humains : les personnes sont déplacées et désespérées par le manque de sécurité. Cette situation nécessite une réponse rapide et coordonnée pour protéger les populations à risque.

À cette lumière, j'exhorte la communauté internationale à donner la priorité à l'aide humanitaire et à soutenir les initiatives de prévention de la Traite dans les zones de conflit. Il est essentiel de veiller à ce que les ressources soient allouées efficacement pour répondre aux besoins des personnes touchées et pour renforcer les mesures de protection des personnes vulnérables. Nos efforts collectifs doivent être axés à la fois sur les secours immédiats et sur des solutions à long terme pour lutter contre la Traite face à de telles crises.

Luttez-vous également contre la Traite des enfants ? Que pouvez-vous nous en dire ?

Pour les enfants victimes de la Traite, c'est poignant. Ce qui fait mal et qui vous brise le cœur, c’est de trouver dans les rues des enfants en haillons, sans toit, des enfants qui se sont enfuis ou qui ont été envoyés par leurs parents pour leur épargner le pire. Des enfants traumatisés à vie, qui ont vu tant de cadavres ensanglantés (père, mère, grands-parents ou frères et sœurs) en plus des bombardements assourdissants et de l’exode dans les nuits… que puis-je vous dire ? C’est indescriptible. Priez pour nous.

Qu'est-ce qui vous a motivé au fil des années à lutter contre la Traite des êtres humains ? Comment pouvons-nous prévenir la Traite des êtres humains en tant que société ?

En tant que sœur de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, notre charisme est de lutter contre la Traite. En tant que société, nous pouvons prévenir la Traite des êtres humains en plaidant auprès des décideurs politiques, en sensibilisant et en mettant en œuvre des lois qui permettent au délinquant d'assumer sa peine et aux victimes d'obtenir le soutien nécessaire.

Il peut être difficile de garder espoir dans la lutte contre la Traite des êtres humains. Cependant, plusieurs facteurs-clés m'aident à rester optimiste : les histoires de survivants, les progrès et la sensibilisation, le travail en réseau communautaire et l'engagement en faveur du changement.

A propos d'histoires de survivants, pouvez-vous nous raconter une histoire significative sur le thème de la Traite des êtres humains qui vous a touché au fil des ans ?

Une histoire significative est celle de « Basawite », une Éthiopienne qui était esclave moderne victime de traite en Syrie. Elle a passé plus de 15 ans à travailler dans une maison sans toucher son salaire, sans sortir et sans aucun contact avec les autres membres de sa communauté.

J'ai suivi cette affaire avec l'équipe du réseau Talitha Kum en Syrie, en collaboration avec l'organisme gouvernemental de lutte contre la Traite des êtres humains. C'était le long voyage d'une jeune fille éthiopienne qui a souffert de l'esclavage moderne. Nous avons noué des liens aux niveaux international, régional et local. Nous avons également créé une « chaîne de prière » entre la communauté éthiopienne, sa famille, nos amis et nos équipes dans les quatre pays. Ce fut un miracle lorsqu'elle a rejoint son pays d'origine.

Cet article a été publié pour la première fois dans Global Sisters Report le 21 janvier 2025 (accès ici) avec leur aimable autorisation.