Sœur de la Charité du Verbe Incarné, Sr. Adriana Calzada, est membre d'une communauté intercongrégations aux côtés de la population migrante à Paso Canoas, à la frontière entre le Costa Rica et le Panama. Suite aux récentes modifications de la législation migratoire américaine, elle partage son expérience de la mission ces derniers temps.
Pendant des mois, des milliers de personnes originaires d'une centaine de pays différents ont traversé la jungle du Darién, quittant la Colombie via le Panama dans l'espoir de rejoindre les États-Unis et de commencer une nouvelle vie.
Cependant, avec les récents changements apportés aux politiques migratoires, la réalité de ces dernières semaines a été bien différente, et notre réponse à ce besoin a également évolué. Aujourd'hui, nous accompagnons les migrants de retour, la plupart originaires du Venezuela ; certains ont été expulsés des États-Unis ou du Mexique, tandis que d'autres ont choisi de rentrer par leurs propres moyens.
La population que nous servons est très diversifiée : des hommes seuls, des femmes, des familles entières et, ce qui nous touche le plus, de nombreux enfants qui ont vécu des expériences extrêmement difficiles. La situation actuelle est particulièrement complexe car, après avoir traversé tant de pays au prix de tant d'efforts, ils se retrouvent désormais dans l'incertitude, ne sachant que faire ni où aller. Nombre d'entre eux sont ''bloqués à la frontière.”
En tant que communauté intercongrégations formée par les Sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur, la Compagnie de Sainte-Thérèse de Jésus, et la Sœurs de la Charité du Verbe Incarné, nous nous sommes organisées début 2024 pour soutenir ces frères et sœurs dans leur voyage. Grâce à l'aide de divers donateurs, nous avons pu offrir une aide humanitaire, notamment : nourriture, kits d'hygiène, jouets et, surtout un accompagnement émotionnel et spirituel pour les personnes dans le besoin.
Le retour n'est pas facile. Pour beaucoup, traverser à nouveau l'Amérique centrale représente un immense défi. Après leur arrivée au Costa Rica, ils ont parfois la possibilité de prendre un bus pour rejoindre un autre point d'embarquement, de prendre un bateau ou une petite embarcation, ou même de traverser à nouveau la jungle du Darién. Toutes ces alternatives sont risquées, coûteuses, et, dans bien des cas, contrôlées par des groupes criminels organisés.
L'un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontées est le manque de préparation des gouvernements face à ce nouveau mouvement migratoire. Il n'existe pas de processus clair pour accompagner les migrants dans leur voyage de retour, et les informations qu'ils reçoivent sont rares ou confuses. Cela nous affecte également car nous manquons souvent de données concrètes pour les guider correctement. Il est urgent de trouver des solutions et de renforcer la coopération régionale pour faire face au mieux à cette réalité.
Au-delà de l'aide matérielle, en collaboration avec des agents pastoraux et des bénévoles locaux des deux côtés de la frontière, nous avons mis en place un réseau de soutien pour accueillir les migrants dans une chapelle de Paso Canoas. Là, chaque jour, nous leur fournissons de la nourriture, un soutien familial et des kits de première nécessité pour répondre à leurs besoins les plus urgents. Nous voulons qu'ils sentent, ne serait-ce qu'un instant, qu'ils ne sont pas seuls et qu'il existe un lieu d'accueil et d'espoir pour eux.
Les accompagner émotionnellement et spirituellement est un élément fondamental de notre mission. Nous lisons la tristesse et la frustration sur leurs visages, car ils ont tout laissé derrière eux et doivent maintenant prendre un nouveau départ. Leur souffrance nous peine, mais nous trouvons du réconfort dans la certitude que Dieu les accompagne, même au milieu de tant d'incertitudes.
Nous savons que la réalité continuera d'évoluer de semaine en semaine dans ce climat politique. Nous nous attendons à un nombre croissant de migrants de retour de différents pays. On parle d'expulsions massives depuis les États-Unis, et si elles sont approuvées, les flux migratoires augmenteront à nouveau de manière significative. C'est pourquoi, en ce moment, nous devons rester attentifs et ouverts à différentes formes d'aide. Il est crucial d'être stratégiques et d'agir rapidement.
Un peu plus d'un an après le lancement de ce projet, nous réaffirmons avec joie notre intuition de former une communauté inter-congrégationnelle pour répondre à ce besoin. Le partage des ressources de chacune de nos congrégations a été essentiel pour apporter de l'aide, mais le fait de nous reconnaître mutuellement comme des sœurs dans ce cheminement de discernement a été encore plus précieux.
Nos charismes, étant différents, nous enrichissent et nous invitent à vivre les valeurs de l'Évangile sous des angles divers. La réflexion et l'écoute de la Parole continuent de nous inciter à aligner notre vie et notre mission sur cette réalité. Nous sentons que notre famille s'est agrandie, ce qui nous remplit de gratitude et de joie.